Sur la terre des Hommes
Au cours d'une randonnée itinérante dans le Vercors, j'ai fait halte pour la nuit dans un refuge de montagne. Il avait fait une chaleur accablante durant des journées entières et ces évènements ne pouvaient que présager l'arrivée d'un orage aux incommensurables proportions. L'atmosphère était pesante, un vent chaud et sec frappait mon visage, j'entendais les bourrasques courir autour de moi et plier les cimes de sapins. Il y avait comme une présence de l'autre côté de cette muraille de montagnes, un être inarrêtable, encore furtif, à la colère sans limites.
Les couleurs du ciel devinrent alors dramatiques, le temps semblait s'être arrêté. Au loin, j'apercevais les mains de la créature agripper les monts. Le colosse se hissait le long des murailles pour les étouffer de sa présence. Je voyais ce titan monter toujours plus haut sans même ralentir. À​​​​​​​ présent, les montagnes paraissaient bien ridicules face à ce monstre grondant. Soudain, la créature ploya sous son propre poids, son corps tout entier déferla le long des pentes et vint engloutir les arbres les plus téméraires. Un véritable raz de marée fonçait sur moi. De mon côté, j'immortalisais une dernière fois ce moment avant de me précipiter dans le refuge.
Le sens du vent était contraire au mien et semblait me retenir pour me faire happer par le géant. Derrière moi, je voyais un dernier rayon de lumière résister aux mâchoires de la bête. Quelques instants après, je me retrouvais dans son ventre. Je voyais sa colère s'abattre sur la terre des Hommes et je sursautais à chaque détonation. Autour de moi régnaient le chaos et le bruit assourdissant de la grêle. C'est alors que je contemplais mon insignifiance face aux éléments.​​​​​​​
Progressivement, je sentais le géant s'éloigner de moi. Gargantua poursuivait sa course folle en quête d'appétit insatiable. Je constatais qu'il m'avait  épargné, surement parce qu'il jugeait bon de préserver ceux qui demeuraient humbles envers lui...
Dehors, dans la pénombre, se dessinait un horizon immaculé de blancheur. La grêle avait recouvert les prairies et montagnes. Un parfum de renouveau, celui du calme et de la renaissance, flottait dans l'air. Un parfum postdiluvien qu'on ne peut qu'accueillir à bras ouverts tant ce dernier nous offre une nouvelle chance...​​​​​​​

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